(Extrait du semestriel de liaison)

Chers lecteurs,
La problématique de la consommation de
drogues est un phénomène de plus en plus accru,
dont la prise en charge nécessite une approche
multidimensionnelle et pluridisciplinaire.
Au Sénégal, l’intervention des organisations
communautaires auprès des consommateurs
de drogues injectables (CDI) date de 1999, avec
l’Alliance nationale des communautés pour
la santé (ANCS). Toutefois, ce n’est qu’en fin
2010, que ces derniers sont intégrés parmi les
populations les plus exposées au VIH, à travers le
Plan stratégique national de lutte contre le sida.
Organisation pionnière dans la promotion de
la santé communautaire au Sénégal, l’ANCS
contribue, depuis plus de deux décennies, à l’offre
de services de dépistage et de prise en charge
du VIH et à la promotion des droits humains, des
communautés, notamment les plus vulnérables, à
travers la mise en œuvre d’approches innovantes
et diversifiées.
En effet, après avoir capitalisé une vaste et
solide expérience dans de nombreux domaines,
principalement de la lutte contre le VIH/sida,
de la co-infection TB/VIH, de l’encadrement
et du renforcement des systèmes de santé
communautaire, du plaidoyer et de la promotion
d’un environnement favorable, l’ANCS a intégré
dans ses stratégies d’action d’autres thématiques
liées au VIH, notamment la réduction des risques
chez les consommateurs de drogues (RdR).
Ainsi, au cours des dix dernières années, l’ANCS

a mis en œuvre plusieurs programmes en
direction des consommateurs de drogues. Elle
a développé, en 2015, avec l’appui du Fonds
mondial, un programme régional de réductions
des risques chez les CDI, dans cinq pays
d’Afrique de l’Ouest : Burkina Faso, Côte d’Ivoire,
Cap-Vert, Guinée et Sénégal (PARECO). En plus
de ce programme, l’ANCS a également mis en
œuvre le Community Action on Harm Reduction
(CAHR) et le KP Connect financé par l’Alliance
internationale et un projet de recherche en
collaboration avec la London School of Hygiene
and Tropical Medecine (LSHTM).
Ces différents programmes ont permis à l’ANCS
de développer des stratégies et des initiatives
innovantes à travers la prise de conscience
et la formation des parties prenantes. Il s’agit
notamment des décideurs politiques, des acteurs
communautaires et de la santé, des agents des
forces de sécurité et de la justice, des leaders
d’opinion, des religieux et des hommes de
médias…
Ces derniers sont ainsi sensibilisés sur la nécessité
des politiques de réduction des risques liés à la
consommation de drogues. Cette RdR, qui est
basée sur des évidences scientifiques, implique
l’établissement d’un environnement favorable à
des interventions auprès des consommateurs de
drogues. Celles-ci ont eu un impact positif sans
conteste dans la gestion de l’épidémie à VIH,
grâce au développement de modèles innovants
et au partage d’expériences régionales des
meilleures pratiques en la matière.

5 Semestriel de Liaison – Avril 2022
Fort d’une telle expérience dans la réalisation
des programmes d’intervention communautaire
en direction des CDI, l’ANCS s’est vue confier la
coordination des activités du groupe thématique
sur ‘‘La réduction des risques auprès des
consommateurs de drogues en Afrique de l’Ouest
et du Centre’’ de l’Institut de la société civile pour
le VIH et la santé en Afrique de l’Ouest et du
Centre (SCSI-AOC). Cet institut est un mécanisme
régional de coordination et de collaboration pour
les OSC travaillant dans le domaine du VIH et de
la santé.
Agissant pour le groupe thématique RDR, l’ANCS
réalise des activités de prévention, de formation
et de plaidoyer dans plusieurs pays comme le
Burkina Faso, le Burundi, la Guinée-Bissau, la
Guinée, la Mauritanie et le Sénégal. C’est dans
ce cadre que l’ANCS a initié au Sénégal plusieurs
activités de plaidoyer et de formation en direction
des autorités judiciaires, des forces de défense
et de sécurité, des influenceurs, des leaders
communautaires et religieux sur la réduction des
risques chez les consommateurs de drogues.
Chers lecteurs,
La réponse criminalisant apportée au phénomène
de la consommation de drogues a montré ses
limites. Aujourd’hui, elle démontre la nécessité
d’être reconsidérée dans le sens d’un allégement.
Ainsi, l’emprisonnement qui, jusque-là, était la
réponse des juridictions pénales à l’égard de
l’usager de drogues révèle toute son inefficacité
quant à l’éradication du phénomène de la
consommation de substances psychoactives.
C’est pourquoi l’ANCS, consciente de la place
importante du plaidoyer dans le changement
de comportement, a, en collaboration avec ses
partenaires tels que le Fonds mondial, Coalition
Plus, le CNLS, le Comité interministériel de lutte
contre les drogues (CILD), le Centre de prise
en charge intégrée des addictions de Dakar
(CEPIAD) et l’Institut de la société civile pour le
VIH et la santé, initié plusieurs rencontres et
échanges avec des leaders communautaires,
des décideurs politiques, des agents de la chaine
judiciaire et les forces de défense et de sécurité
sur la réduction des risques.
Ces rencontres ont eu pour but d’opérer un
changement de paradigme vis-à-vis des
consommateurs de drogues qui sont considérés

comme des délinquants par la loi. Or, de nos
jours, la science a fini de démontrer qu’il s’agit de
personnes malades qui ont besoin de traitement.
En effet, la quête d’un environnement favorable
aux interventions et aux soins en faveur des
consommateurs de drogues constitue une
dimension importante de la stratégie de la RdR.
De ce fait, cet environnement pourra garantir la
mobilisation des consommateurs de drogues et
faciliter leur accès aux soins et, par conséquent,
briser la chaine de transmission des infections et
réduire les méfaits liés à la drogue.
Par ailleurs, il est tout aussi important de noter que
la poursuite de ces interventions n’est possible
que si les acteurs de la réponse, les agents
de la chaine judiciaire, notamment les juges
d’application des peines, les forces de défense et
de sécurité et les prestataires de santé trouvent
un cadre de concertation et de collaboration pour
améliorer l’offre de service dans une perspective
de respect des droits humains et d’humanisation
des lois sur les drogues.
C’est pourquoi l’ANCS profite de ce numéro
spécial de son semestriel dédié à la réduction
des risques, pour magnifier l’engagement et
la volonté affirmée par les agents de la chaine
judiciaire, les prestataires de la santé, les
leaders communautaires et religieux à une
meilleure prise en compte des besoins en santé
des consommateurs de drogues, notamment
incarcérés.
Ainsi, toutes ces parties prenantes, bénéficiaires
des activités de l’ANCS, ont convenu de la
nécessité d’unemeilleure collaboration et d’un
renforcement de capacitéspour améliorer la prise
en charge de ces consommateurs de drogues.
Ceci, en leur offrant des alternatives à laprison et
un meilleur traitement médical.
De ce fait, l’ANCS, à travers cette approche
de santé communautaire qui a démontré ses
preuves dans le cadre de la gestion de l’épidémie
à VIH, compte poursuivre ses activités de
partenariat, de réseautage et de plaidoyer avec
les parties prenantes, pour améliorer la prise en
charge médico-juridique des consommateurs
de drogues et mieuxadapter les stratégies et le
cadre juridique au contexte socioculturel du
Sénégal.